Essai Contraction

sujet 1 : 

Montaigne, Essais, « Des Cannibales ».

Parcours : Notre monde vient d’en trouver un autre.

Texte de Stefan Zweig, Érasme, grandeur et décadence d’une idée (1935)

 

La transition du XVème au XVIème siècle est une époque marquante dans le destin de l’Europe et qui, en ce qui concerne la précipitation dramatique des événements, n’est comparable qu’à la nôtre. Soudain s’élargit la place qu’occupait l’Europe dans le monde ; une découverte est suivie d’une autre et en l’espace de  quelques années, grâce à la hardiesse d’une race nouvelle de navigateurs, les lacunes imputables1 à l’indifférence ou à la timidité des siècles passés se trouvent comblées. Les dates mémorables se succèdent au rythme saccadé d’un pendule électrique. 1486 : Diaz est le premier Européen qui s’aventure jusqu’au Cap de Bonne-Espérance ; 1492 : Colomb atteint les îles américaines ; 1497 : Sébastien Cabot découvre le Labrador et le continent américain. Un nouveau monde vient à peine d’enrichir les connaissances de la race blanche que déjà Vasco de Gama, passant au large de Zanzibar, fait voile vers Calcutta et ouvre la voie des Indes ; 1500 : Cabral découvre le Brésil ; enfin de 1519 à 1522, Magellan accomplit une prouesse incroyable : pour la première fois, un homme a fait le tour du monde. La première mappemonde2 , considérée à son apparition comme une extravagance et une hérésie, se trouve donc vérifiée : l’action la plus hardie est venue confirmer la pensée la plus audacieuse. Du jour au lendemain la machine ronde3, la terra incognita, sur laquelle l’humanité pensante promenait sa marche incertaine et inquiète, est devenue une réalité, un espace que l’on peut étudier et parcourir ;  l’Océan, qui n’était que ce désert infini de flots bleus dont parle la légende antique, est devenu un élément mesurable, mesuré, un des plus précieux auxiliaires de l’homme. Le goût de l’aventure s’empare soudain de l’Europe ; on ne s’arrête plus, on ne souffle plus dans cette course effrénée à la découverte du « Cosmos ». Chaque fois que les salves des canons de Cadix ou de Lisbonne saluent le retour d’un galion, une foule curieuse afflue dans le port pour avoir des nouvelles de ces pays récemment explorés, pour admirer ces oiseaux, ces animaux, ces hommes qu’elle n’a jamais vus ; elle frémit d’étonnement devant ces énormes chargements d’or et d’argent ; les nouvelles font le tour de l’Europe qui est maintenant, grâce à l’héroïsme de ses enfants, le centre du monde, la maîtresse de l’univers. Presque en même temps, Copernic découvre les orbites mystérieuses que décrivent les astres au-dessus de cette terre soudainement éclairée par la science, et ses connaissances, grâce à l’invention récente de l’imprimerie, pénètrent avec une rapidité ignorée jusqu’alors dans les villes les plus éloignées et dans les villages les plus isolés de l’Occident : pour la première fois, l’Europe connaît la félicité d’une vie  collective chaque jour plus intense. Au cours d’une seule génération, les données primitives d’appréciation, l’espace et le temps, ont totalement changé de valeur et de mesure. Seule notre époque, qui voit le téléphone, la radio, l’auto et l’avion concourir avec la même précipitation à la diminution du temps et de l’espace, a assisté à un semblable changement du rythme de la vie.  Un élargissement aussi brusque du monde extérieur doit fatalement avoir comme corollaire4 une profonde transformation du monde psychique. L’individu se trouve inconsciemment amené à penser, à calculer, à vivre en se basant sur des données différentes ; avant que le cerveau se soit adapté à ce changement à peine concevable, il se manifeste déjà une modification dans le domaine de l’âme. Quand  celle-ci perd brusquement sa mesure habituelle, quand elle sent glisser les lois et les normes ordinaires, il se produit tout d’abord chez elle une confusion inévitable, faite d’inquiétude et d’ivresse. En une nuit, tout ce qui était certain devient douteux, tout ce qui date de la veille est périmé, d’un autre âge ; les cartes de Ptolémée, objet d’un immuable respect de la part de vingt générations, se trouvent ridiculisées par  Colomb et Magellan ; les traités de cosmographie, d’astronomie, de géométrie, de médecine, de mathématiques, auxquels on se conformait finalement depuis des siècles, que l’on tenait pour infaillibles, sont dépassés, n’ont plus de valeur. Tout le passé se dessèche au souffle brûlant des temps nouveaux. Finis les thèses et les commentaires ; les anciennes autorités, ces idoles vénérées, tombent en ruines, les tours en carton de la scolastique5  s’écroulent, l’horizon s’élargit. Un désir fiévreux de savoir et de connaître naît de cet afflux brutal de sang nouveau dans l’organisme européen, dont le pouls bat avec précipitation. Et cette fièvre communique une impulsion violente aux évolutions en cours ; on dirait qu’une secousse sismique met en mouvement tout ce qui existe. Les règles léguées par le Moyen Âge se trouvent  bouleversées : les unes grandissent, les autres déclinent ; la chevalerie disparaît, les villes aspirent à se développer, les campagnes s’appauvrissent, le luxe et le commerce sont prodigieusement florissants grâce à la navigation. La fermentation est de plus en plus violente, il se produit un bouleversement social semblable à celui qu’engendrent de nos jours l’irruption de la technique, son organisation et sa rationalisation trop rapides ; on est en présence de l’un de ces moments caractéristiques où l’humanité se trouve en quelque sorte dépassée par ses propres actes et doit faire appel à toutes ses forces d’adaptation.

 

1 Imputables : dues à.

2 Mappemonde : globe représentant la Terre. La première mappemonde a été réalisée en 1490, deux ans avant la découverte de l’Amérique.

3 La machine ronde : la Terre.

4 Corollaire : ici, conséquence.

5 Scolastique : enseignement de l’université du Moyen Âge.

 

913 mots

 

Contraction de texte Vous résumerez ce texte en 228 mots. Une tolérance de +/- 10 % est admise : votre travail comptera au moins 205 et au plus 251 mots. Vous placerez un repère dans votre travail tous les 50 mots et indiquerez, à la fin de la contraction, le nombre total de mots utilisés.

 

Essai

À la Renaissance comme aujourd’hui, la découverte de nouveaux horizons n’apporte-t-elle que des bienfaits ? Vous développerez de manière organisée votre réponse à cette question en prenant appui sur « Des Cannibales » de Montaigne, sur le texte de l’exercice de la contraction et sur ceux que vous avez étudiés dans l’année dans le cadre de l’objet d’étude « La littérature d’idées du XVIème au XVIIIème siècle ». Vous pourrez aussi faire appel à vos lectures et à votre culture personnelle.

 

On attend

• La prise en compte du sujet, et notamment de l’invitation à s’intéresser à la fois à l’époque de Montaigne et au monde contemporain.

• Une capacité à prendre appui sur la connaissance et la compréhension de l’œuvre au programme et du parcours associé.

• Une utilisation judicieuse du texte de l’exercice de la contraction.

• Une réflexion organisée.

 • Un travail intégralement rédigé.

• Une expression correcte et cohérente.

 

On valorise

• Une connaissance fine de l’objet d’étude et du parcours associé.

• Une mobilisation pertinente de références personnelles.

• Une réflexion nuancée qui explore différents aspects de la question.

• Une expression aisée et convaincante.

 

On pénalise

• Un développement hors-sujet.

• L’absence d’exemples ou le catalogue d’exemples sans arguments.

• Une syntaxe déficiente et un niveau de langue inapproprié.

 

Éléments de correction

On n’attendra pas nécessairement le plan dialectique auquel invite la formulation du sujet. En effet, le candidat est ici en droit de défendre un point de vue tranché sur la question. Dès lors, on n’hésitera pas à accorder la totalité des points à une thèse bien étayée, et argumentée de manière convaincante. On acceptera le recours au pronom personnel « je ».

Sujet 2 : 

Sujet 2 : Contraction de texte suivi d’un essai. 

  1. Vous résumerez ce texte en 224 mots. Une tolérance de +/-10 % est admise : votre travail comptera au moins 202 et au plus 24 6 mots. Vous placerez un repère dans votre travail tous les 50 mots.

 

Rencontrer l’Etranger, cet événement fondamental

 

L’écrivain-journaliste Ryszard Kapuscinski, qui a de longues années durant « cohabité avec d’Autres », fait l’éloge des rencontres. (Le Monde diplomatique Janvier 2006)

 

La rencontre avec l’Autre, avec des êtres humains différents, constitue depuis toujours l’expérience fondamentale et universelle de notre espèce. Les archéologues nous disent que les groupes humains les plus primitifs ne comptaient guère plus d’une trentaine ou, au maximum, d’une cinquantaine d’individus.

Si ces familles-tribus avaient été plus importantes, il eût été difficile pour elles de se déplacer. Si elles avaient été moins nombreuses, elles n’auraient pas pu se défendre ni livrer bataille pour survivre. Et voici que notre petite famille-tribu, à la recherche de nourriture, tombe nez à nez avec une autre famille-tribu. Moment crucial pour l’histoire du monde ! Fabuleuse découverte ! S’apercevoir que le monde est habité par d’autres êtres humains ! Jusqu’à ce moment-là, un membre de notre petite communauté familiale et tribale pouvait vivre dans la conviction que, connaissant ses trente, quarante ou cinquante frères et sœurs, il connaissait tous les habitants de la Terre... Et tout d’un coup, il découvre que pas du tout, que le monde héberge d’autres êtres semblables à lui ! 

Que faire devant une telle révélation ? Comment réagir ? Quelle décision prendre ? Se jeter avec férocité sur les étrangers ? Les croiser en les ignorant et passer son chemin ? Chercher à les connaître et tenter de trouver un terrain d’entente avec eux ? Cette nécessité de choisir entre ces options s’est imposée à nos ancêtres, il y a des milliers d’années.

Aujourd’hui, elle s’impose à nous. Avec la même intensité. Ce choix est devenu essentiel et déterminant. Quelle attitude adopter devant l’Autre ? Comment le considérer ? Cela peut tourner au duel, au conflit, à la guerre. Des témoignages d’affrontements de cette nature emplissent toutes les archives possibles et imaginables. Et les innombrables champs de bataille et les ruines disséminées de part et d’autre du monde le confirment. Cela montre l’échec de l’homme ; qui n’a pas su ou n’a pas voulu trouver une manière de s’entendre avec l’Autre. Les littératures de tous les pays, à toutes les époques, se sont inspirées de cette tragédie et de cette faiblesse humaine. Elles en ont fait un de leurs thèmes privilégiés, modulable à l’infini.

Il peut aussi arriver que notre famille-tribu, dont nous suivons les pas, au lieu d’attaquer et de combattre, décide de s’isoler des Autres, de s’enfermer, de se barricader. Une telle attitude, avec le temps, donne comme résultat des constructions qui obéissent à une volonté de retranchement, comme les tours géantes et les portes de Babylone, les limes romains, la Grande muraille de Chine ou les colossales fortifications des Incas.

Par chance, il existe des preuves, disséminées à travers la planète, que la rencontre de groupes humains a connu un troisième type de dénouement. Les témoignages de coopération abondent. Des vestiges de marchés, de ports maritimes et fluviaux, de lieux où s’élevaient des agoras et des sanctuaires, où l’on peut voir aujourd’hui encore les restes de sièges d’universités ou d’académies antiques. Ainsi que des traces d’anciennes routes commerciales, comme celles de la soie, de l’ambre, ou la saharienne du sel et de l’or.

Ces espaces étaient des lieux de rencontre ; les gens y entraient en contact et communiquaient, échangeaient des idées et des marchandises, scellaient des actes d’achat et de vente, concluaient des affaires, établissaient des unions et des alliances, se fixaient d’identiques objectifs fondés sur des valeurs communes. L’Autre cessait alors d’être synonyme d’inconnu hostile et d’adversaire, de danger mortel et d’incarnation du Mal. Chaque individu possédait en soi une part, aussi minuscule fût-elle, de cet Autre, ou du moins le croyait-il, et cela le réconciliait avec tous les hommes de la Terre.

De sorte que l’être humain a toujours eu trois réactions différentes face à l’Autre : il pouvait choisir la guerre, s’isoler derrière une muraille ou engager un dialogue. Tout au long de l’histoire, l’homme a hésité devant ces trois options et, selon sa culture et l’époque à laquelle il vivait, il a choisi l’une des trois. Nous constatons qu’il est toujours assez velléitaire dans ses décisions ; il ne se sent pas toujours sûr de lui, et ne pose pas toujours le pied sur un terrain ferme. Quand la rencontre avec l’Autre se solde par l’affrontement, cela aboutit généralement à la tragédie et à la guerre. Or la guerre ne produit que des perdants. Parce que l’incapacité à s’entendre avec les Autres, de se mettre dans leur peau, révèle la faillite de l’être humain et pose la question de l’intelligence de l’homme. 

Le désir de certains de dresser des murailles gigantesques et de creuser de profonds fossés pour s’isoler des Autres a été baptisé, à notre époque, du nom d’apartheid. Cette notion a été attribuée au détestable régime blanc, aujourd’hui révolu, d’Afrique du Sud. Mais en vérité, l’apartheid se pratique depuis des temps immémoriaux. En simplifiant beaucoup, il s’agit d’une doctrine que ses partisans décrivent ainsi : « Tout le monde peut vivre comme il l’entend, à condition que ce soit loin de moi s’il n’appartient pas à ma race, à ma religion et à ma culture. » S’il ne s’agissait que de cela ! La réalité est que nous sommes face à une doctrine d’inégalité du genre humain.




  1. Essai :  La rencontre avec l’Autre, avec des êtres humains différents, favorise-t-elle l’ouverture aux autres cultures ?

 

 Vous développerez de manière organisée votre réponse à cette question, en prenant appui sur le chapitre « des Cannibales » extrait des Essais, de Montaigne, sur le texte de l’exercice de la contraction et sur ceux que vous avez étudiés dans l’année dans le cadre de l’objet d’étude « La littérature d’idées du XVIe au XVIIIe siècle ». Vous pourrez aussi faire appel à vos lectures et à votre culture personnelle.

 

Sujet 3 : 

Contraction de texte : Vous résumerez ce texte en 182 mots. Une tolérance de +/-10 % est admise : votre travail comptera au moins 150 et au plus 200 mots. Vous placerez un repère dans votre travail tous les 50 mots.

Michel Leiris, Cinq études d’ethnologie, 1969

 

      Bien qu'aucune culture ne soit absolument figée, il faut admettre que, là où se rencontre une forte densité de population, les conditions sont meilleures pour que la culture du groupe en question reçoive de nouveaux développements. La multiplicité des contacts entre individus différents est, pour chacun, une cause de vie intellectuelle plus intense. 

   De même, moins un peuple sera isolé et plus il aura d'ouvertures sur l'extérieur et d'occasions de contact avec d'autres peuples (dans la paix et dans la guerre elle-même, car la guerre, sans être à beaucoup près la plus souhaitable vu qu'il arrive fréquemment que la culture d'un peuple ne survive pas ou ne survive que par quelques débris à l'épreuve de la conquête militaire ou de l'oppression, représente néanmoins l'une des façons dont les peuples prennent contact), plus la culture de ce peuple aura de chances d'évoluer, s'enrichissant aussi bien par des emprunts directs qu'en raison d'une diversité plus grande d'expériences pour ses représentants et de la nécessité dans laquelle ils se trouvent de répondre à des situations inédites. 

      Un bon exemple de stagnation culturelle causée par l'isolement est celui qu'offrent les Tasmaniens , qui, coupés du reste de l'humanité par la situation de leur île, en étaient encore du point de vue technique au niveau du paléolithique moyen lorsque les Anglais s'établirent chez eux au début du siècle dernier ; les Tasmaniens, il est vrai, furent loin de bénéficier de cette rupture de leur isolement car ils ont aujourd’hui totalement disparu, décimés peu à peu dans leurs luttes contre les colons. On doit en conclure que si le contact même guerrier est, en principe, un facteur d'évolution culturelle, il est indispensable, pour qu'un tel contact soit fructueux, qu'il se produise entre peuples situés à des niveaux techniques qui ne soient pas trop différents (pour ne pas aboutir à l'extermination pure et simple d'un des deux partenaires ou à sa réduction en un état tel que l’esclavage, qui entraîne la pulvérisation de la culture traditionnelle) ; indispensable également que les moyens techniques mis en œuvre n'aient pas atteint un degré d'efficacité suffisant — comme c'est le cas, malheureusement, des grandes nations de notre monde moderne — pour que la adversaires ne sortent de leur conflit que ruinés, sinon détruits, les uns comme les autres. 

      Contacts entre individus et entre peuples, emprunts, utilisation d'éléments préexistants pour des combinaisons neuves, découvertes de situations et de choses ignorées apparaissent donc comme les moyens par lesquels, de l'intérieur ou de l’extérieur, une culture se transforme. Si grand est le rôle des emprunts (qui représentent une économie en ce sens qu'ils évitent à une société d'avoir à parcourir par elle-même toutes les étapes menant à l'invention qu'elle emprunte) qu'on peut dire des cultures — comme il a été établi pour les races — qu'elles ne sont jamais "pures" et qu'il n'en est pas une qui, dans son état actuel, ne résulte de la coopération de peuples différents. Cette civilisation dont les Occidentaux sont si fiers s'est édifiée grâce à de multiples apports dont beaucoup viennent de non-Européens : l'alphabet, par exemple, transmis d'abord aux Phéniciens par les groupes sémitiques voisins de la péninsule du Sinaï, est passé ensuite aux Grecs et aux Romains, puis s'est diffusé dans les parties plus septentrionales de l'Europe ; le système que nous employons pour la notation des nombres est d'origine arabe, de même que l'algèbre, et, d'autre part, savants et philosophes arabes ont joué un rôle important dans les diverses "renaissances" dont l'Europe médiévale a été le théâtre ; les premiers astronomes apparaissent en Chaldée et c'est dans l'Inde ou le Turkestan qu’est inventé l'acier ; le café est d'origine éthiopienne ; le thé, la porcelaine, la poudre à canon, la soie, le riz, la boussole nous viennent des Chinois, qui, d'autre part, connurent l'imprimerie bien avant Gutenberg et surent, très tôt, fabriquer du papier ; maïs, tabac, pomme de terre, quinquina, coca, vanille, cacao sont dus aux Indiens d’Amérique ; l'Égypte antique a fortement influencé la Grèce et, si le fameux "miracle grec" s'est produit, c'est très précisément parce que la Grèce a été un carrefour où se sont rencontrés maints peuples et cultures différents. 

 

Essai : « La multiplicité des contacts entre individus différents est, pour chacun, une cause de vie intellectuelle plus intense. » écrit Michel Leiris au début de ce texte.

 

Cette affirmation est-elle toujours vraie ? Vous développerez un essai structuré, en vous appuyant sur les textes étudiés ainsi que sur vos lectures et connaissances personnelles.

 

Sujet 4

Maboula Soumahoro   Le Triangle et l’Hexagone Réflexions sur une identité noire

 

     Fille de l’Hexagone et de l’Atlantique, mon ascendance, mes origines, mes trajectoires et ma propre histoire m’inscrivent dans l’immensité culturelle, politique et intellectuelle de l’Atlantique noir, un espace géographique profondément façonné par l’Histoire. J’évoque cet espace, qualifié de triangulaire, qui a mis en relation de manière inédite et pérenne trois continents : l’ Europe, l’Afrique et les Amériques. Il englobe donc la Côte d’Ivoire et l’Afrique de mes parents, de même que l’Hexagone, mon lieu de naissance et de résidence actuelle après de nombreuses années passées outre-Atlantique, où je me suis construite intellectuellement. Chaque espace possède néanmoins sa lecture particulière du corps et de l’expérience noirs. Je propose la mienne. En conversant avec la grande et les petites histoires, mais également avec la tradition intellectuelle, artistique et politique de la diaspora noire/africaine.

     Il est important de poser un cadre, de délimiter. Car on veut savoir de quoi l’on parle. Il faut, d’ailleurs, savoir de quoi l’on parle. Et, parfois, il est bon de revenir à leur définition première. Précisément afin de savoir exactement ce dont il est question.

     Concernant les populations africaines dispersées à travers le monde, on parle aujourd’hui de diaspora. Cette diaspora est généralement décrite comme « noire » ou « africaine », selon la perspective que l’on veut mettre en avant. Ainsi, parler de « diaspora noire », place au cœur des préoccupations la couleur de la peau et le phénotype noirs, c’est-à-dire le corps noir, sa construction et sa signification depuis le continent africain et l’Europe occidentales sont tous deux entrés dans ce que les historiens nomment l’ère moderne, il y a un peu plus de cinq siècles à présent. Si cette entrée a eu lieu de manière simultanée, elle ne s’est pas déroulée de manière égalitaire. Je fais référence au projet colonial de l’Europe occidentale qui s’est développé à partir de la fin du XVè siècle et qui a donné lieu à des explorations, des conquêtes et à l’asservissement de populations jugées barbares et envisagées uniquement à travers le prisme d’une altérité radicale décrétée, que ces populations se soient trouvées sur place, comme les Amérindiens, ou qu’elles aient été acheminées vers les nouveaux territoires conquis dans le cadre de la traite esclavagiste transatlantique. Dans un tel contexte, l’histoire, la culture, la religion, l’enseignement, la loi ont chacun façonné le corps et les vies noirs. Ceux-ci évoluent dans des sociétés grandement hiérarchisées au sein desquelles ils occupent le bas de l’échelle sociale, politique et économique. Le corps et la vie noirs doivent donc être entendus comme synonymes d’infériorité. En conséquence, on parle de « diaspora noire, lorsque l’on veut insister sur l’importance de la couleur de la peau, du phénotype et du poids des constructions sociales, politiques et culturelles. Il ne s’agit pas d’essence ou de biologie, mais de fabrication et de construction.

 

Essai : Comme une culture vécue comme Autre peut-elle se construire ?

Sujet possible 5

 

Le mythe du bon sauvage : Nature, Culture et controverses 

 

Né au XVIe siècle, le mythe du bon sauvage s’est développé au siècle des lumières, au moment même où la civilisation occidentale tentait de renouveler ses valeurs. Dans un contexte intellectuel bouleversé par la critique des religions et la multiplication des voyages qui redéfinissent les frontières du monde, le Dieu des chrétiens est remis en cause. En quête d’une nouvelle universalité, écrivains et philosophes se concentrent sur une nouvelle idole : l’homme de nature, tout droit sorti d’un primitif paradis perdu, l’homme d’avant la Chute, ignorant du péché originel, de la propriété, de l’inégalité et de la guerre, être en paix avec lui-même et avec le monde, exact opposé de l’homme civilisé occidental du XVIIIe siècle.

Le mot sauvage (du latin selvaticus, habitant de la forêt) renvoie à un espace non civilisé, où l’homme vit au contact direct de la nature et des animaux. La « sauvagerie » est une puissance redoutable que les Romains prêtaient à leurs voisins du Noird, Gaulois, Germains et Scythes, peuples des forêts, alors qu’eux-mêmes définissaient leur civilisation par l’aménagement et la domination de la nature. D’ou l’opposition essentielle entre barbares et civilisés. D’un côté donc, les barbares (en grec les étrangers, c’est à dire ceux qui n’appartiennent pas à la cité), les non-civilisés, ceux qui ne se séparent pas d’une nature sauvage, les « naturels » (« habitants originaires d’un pays » étranger, « indigènes »), souvent rapprochés de l’animalité – le mot barbare évoque les sons d’un langage primitif, indistinct du cri ; quant au terme cannibale, mot caraïbe signifiant hardi, il devient synonyme, par un glissement de sens significatif, d’anthropophage et de cruel

L’apparition du mythe du bon sauvage conduit à un renversement de la valeur des termes « barbare » et « civilisé ». Chez Montaigne, les Cannibales (dans les Essais), par leur vigueur, leur santé, leur naiveté, sont associés à la jeunesse du monde, à la nature mère, source de beauté et de pureté premières. Les civilisés appartiennent au contraire à un monde vieillissant artificiel et corrompu. Montaigne reproche aux Européens conquérants du Nouveau Monde « la trahison, la des loyauté, la tyrannie, la cruauté qui sont nos fautes ordinaires » et célèbre les mœurs  « sauvages » (leur bravoure guerrière, leur poésie, etc.). Dés lors il peut jouer sur les deux sens du mot barbare (étranger/cruel) : « Nous les pouvons donq bien appeler barbares eu esgard à nous qui les surpassons en toute sorte de barbarie. » Cela le conduit à écrire, à propos des Cannibales, cette phrase célèbre : « chacun appelle barbarie ce qui n’est pas de son usage ». On retrouve ces mêmes renversements de termes dans le Supplément au voyage de Bougainville de Diderot, L’ingénu de Voltaire et chez Claude Lévi-Strauss.

Les civilisés du monde gréco-latin puis du monde chrétien, disposant d’un langage élaboré, de lois, de lettres, de sciences et de techniques, cultivant la terre et bâtissant des cités sont perçus négativement. Ils illustrent le rejet de l’autre hors de la culture, voire de l’humanité, les seconds ne sont que culture et humanité.

Montaigne sera suivi par Rousseau au XVIIIe siècle (Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes en 1755) ou encore Diderot qui dans le Supplément au voyage de Bougainville (1772) fait parler un vieux tahitien, le philosophe développe également une critique vigoureuse des ambitions colonisatrices des « civilisés », « hommes ambitieux et méchants » dont la violence est opposée à l’innocence heureuse de ceux qui suivent « le pur instinct de la nature ». La réflexion sur l’homme sauvage se transforme en méditation politique et morale sur la liberté et sur l’esclavage, sur le nécessaire et sur le superflu.

Le mot primitif renvoie, quant à lui, à l’origine de l’humanité et comporte des connotations contradictoires : l’homme primitif est soit celui qui ne s’est pas encore élevé jusqu’à la civilisation, soit celui qui témoigne de l’humanité de l’âge d’or par un ensemble de qualités positives cette fois. C’est là le « bon sauvage »

L’opposition entre nature et culture, les relations entre le monde sauvage et le monde civilisé sont au cœur de la réflexion des Lumières. Depuis le XVIe siècle (et les Essais de Montaigne), le mythe du bon sauvage est utilisé pour critiquer le monde occidental au nom d’une nature que celui-ci aurait oubliée, corrompue ou détruite – « dénaturée ».

Le bon sauvage permet de dénoncer ainsi l’intolérance ainsi que la violence colonialiste et esclavagiste. Il encourage aussi la reconnaissance de la richesse des cultures singulières au sein d’une même nature humaine.
Liberté, égalité, fraternité : telles sont les valeurs et le rêve qu’il incarne. Liberté d’un monde où les lois conformes au seul droit naturel découleraient de la raison universelle, liberté de l’esprit débarrassé des superstitions, liberté de toute soumission puisque régnerait l’égalité. Egalité entre hommes qui ne connaîtraient pas la propriété ni la subordination. Fraternité synonyme de partage, d’échange et de générosité multiculturels

Le positivisme du XIXe siècle qui se veut civilisateur, colonisateur et unificateur porte un coup fatal à cette utopie avec l’émergence de la théorie des races et la soif de conquête.
On assiste au développement d’une idéologie civilisatrice qui accompagne les politiques de colonisation et d’évangélisation du Nouveau Monde et de l’Océanie : l’Occident aurait ainsi un devoir de civilisation à l’égard des peuples encore sauvages. Le grand naturaliste Buffon établit, dans son Histoire naturelle, une hiérarchie entre l’Européen qui vit sous un climat tempéré, jouit des avantages de la culture qui représente le point de perfection (vision ethnocentriste qui fait de la civilisation occidentale un modèle indépassable et supérieur aux société naturelles) tandis que les amérindiens et africains sont restés au seuil de leur propre histoire, « être sans conséquences« , « espèce(s) d’automate(s) impuissant(s)« , ne sachant dompter ni les éléments ni les animaux.

Ces doctrines portant sur l’existence des races et leur inégalité (racialisme) portent le coup de grâce au mythe du bon sauvage en favorisant le mépris et la haine à l’égard des peuples de culture et de couleur différentes (racisme).
Buffon a ainsi distingué dans son Histoire naturelle différentes « races » comme autant de degrés de civilisation : « On descend par degrés assez insensibles des nations les plus éclairées, les plus polies, à des peuples moins industrieux, de ceux-ci à d’autres plus grossiers, mais encore soumis à des rois, à des lois; de ces hommes grossiers aux sauvages » (t. XI).
Cette échelle est reprise au XIXe siècle par Gobineau qui affirme non seulement « l’inégalité des races » mais encore « la dégradation » conséquence du « mélange des sangs » : « les peuples ne dégénèrent que par suite et en proportion des mélanges qu’ils subissent » (Essai sur l’inégalité des races humaines, 1853-1855). Théories qui seront tragiquement exploitées par les nazis.

La contraction de texte 

 

La contraction de texte concerne le texte argumentatif, cet exercice écrit  correspond exclusivement à l’objet d’étude « littérature d’idées ».  

L’essentiel : 

Réduire le format du texte, au quart selon la prescription des épreuves de l’EAF Restituer le point de vue de l’auteur sans commentaire personnel 

Conserver l’énonciation 

Respecter l’ordre des idées et la stratégie argumentative 

Les compétences travaillées : 

La compréhension en lecture 

L’expression écrite  

La syntaxe 

Le lexique  

A - L’étape préparatoire : lecture et repérage  

- Quelle est la thèse défendue ?  

- Quelle est l’énonciation ?  

o Outils : l’auteur s’implique-t-il avec le pronom « Je » ? Emploie-t-il le pronom  « nous » qui implique une connivence avec le lecteur ? 

- Quels jugements de valeurs sont exprimés ?  

o Outils : adverbes « assurément », locutions « peut-être », connotations.  

- La stratégie argumentative de l’auteur : quelles sont les thèses confrontées implicitement ou  explicitement ? 

o Outils : verbes introducteurs valorisants, dévalorisants, marquant une distance,  emploi du conditionnel, phrases interrogatives, ironie.  

Etudier l’organisation logique du texte  

- Le découpage en paragraphes marqués par des alinéas. Il coïncide le plus souvent avec  l’organisation du texte. 

- Les relations logiques entre les éléments principaux : cause, conséquence, concession,  opposition, addition, temporalité, concomitance.  

- Les connecteurs. 

Distinguer l’essentiel du secondaire 

- Identifier les éléments du texte : thèse défendue, thèse réfutée, argument, exemple à valeur  argumentative, exemple illustratif. 

- Hiérarchiser, rechercher la concision, supprimer les éléments secondaires : détails, exemples  illustratifs.  

Faire le plan du texte au brouillon : reconstituer le mouvement du texte 

- Les idées principales et leur développement. 

- Les termes de liaison. 

B – La rédaction du texte contracté 

Le texte est reformulé :  

o Le lexique du texte contracté est différent de celui du texte original, sauf pour les  mots sans synonyme adapté, exemple : « numérique ». 

o Le structure des phrases est personnelle : le texte contracté ne résulte pas d’une  simple soustraction de mots.  

- L’énonciation est respectée, le « je » de l’auteur est conservé s’il est employé, dans tous les  cas ne pas écrire « l’auteur dit que ». 

- La situation temporelle est conservée. 

- Le texte contracté est équilibré, il conserve les proportions du texte initial à l’intérieur des  paragraphes (contrôler en cours de rédaction pour corriger). 

Les techniques de réductions :  

o Outils, réduction de groupe de mots : termes génériques en remplacement d’une  énumération, remplacement d’une périphrase par un mot, supprimer les  présentatifs « c’est », « il y a ». Remplacement par un adverbe d’un groupe  prépositionnel : « avec adresse → adroitement ».  

o Outils, réduction de la phrase : remplacement du passif par l’actif, remplacer une  forme négative par un mot avec préfixe négatif, reformuler les complétives, relatives  et subordonnées en remplaçant par un adverbe, un adjectif, un nom… 

La longueur du texte contracté : 

- Compter le nombre de mots pour vérifier la longueur du résumé : un mot est séparé par un  blanc, la préposition « à » compte pour un mot ainsi que l’article élidé « l’ ». Les tirets ne  comptent pas « c’est-à-dire » contient 4 mots.  

- Inscrire le nombre de mots à la fin du texte contracté, la tolérance est de + ou – 10% par  rapport au format imposé. Si le format est 200 mots, la tolérance va de 180 à 220 mots. - Respecter le format : c’est un élément de l’évaluation. Le dépassement du format est  sanctionné. 

 

 

Florence Charravin, IA-IPR lettres